Le Lakou est un lieu de vie, un bien matériel de la cellule familiale au sens large.
On pourrait le traduire comme “l’arrière-cour”, à ne pas confondre avec une cour (sorte de ruelle ou d’impasse).
Les Lakous sont apparus à Pointe-à-Pitre après la seconde abolition de l’esclavage (1848), et notamment tout juste après l’ouverture de l’usine Darboussier (1869) puis l’installation de la succursale de la Compagnie Générale Transatlantique au début du XXe siècle sur les quais du port de Pointe-à-Pitre.
Ces deux pôles économiques gourmands en main d’oeuvre salariée génèrent un exode rural intense et régulier.
Les raisons de cet exode sont multiples : la 2nde abolition de l’esclavage, les catastrophes naturelles (cyclones en 1899 puis 1928), les crises sociales notamment liées aux crises sucrières mondiales et les périodes de sécheresse…Les gens venaient à la ville chercher du travail.
Ainsi, les kaz sont transportées par cabrouets (charrettes) depuis les campagnes et installées sur des parcelles dans les quartiers de Fond Laugier et du Bas-de-la-Source (rue Raspail), puis dans le futur quartier de l’Assainissement, du futur quartier de Mortenol et aux abords de la rue du Cimetière (rue Amédée Fengarol), ce qu’on appelait les faubourgs, mais aussi dans quelques rues du centre ancien comme la rue Nassau ou encore la rue d’Ennery. On nommera les kaz ainsi transportées “kaz 4 roch”. En effet, elles seront posées aux quatre angles sur des roches à même le tuf ou encore des zones humides peu ou pas aménagées.
La structure du lakou est étendu autour d’une arrière-cour comprenant souvent un petit bassin d’eau au centre, de la kaz principale donnant sur la rue, et d’un ensemble de pièces, parfois dépourvues de murs et munies de toit en tôle supporté par des piliers de bois. Des couloirs traversants permettaient de passer d’une rue à l’autre, et souvent ils constituaient un réseau de passages à l’intérieur d’un îlot (pâté de maisons).
Le sol était en terre battue, mais de nombreux lakous ont fini par être bétonnés afin de rendre plus salubre les lieux, surtout pendant la saison des fortes pluies.
A la campagne, les lakous comportaient la structure familiale, et en ville, la structure était, au-delà de la structure familiale, sociale voire sociétale. La proximité avec les voisins a permis de développer un système d’entraide, que ce soit à propos de la surveillance des enfants ou encore des échanges d’aliments, d’une cuillère de café, d’une pincée de sel, d’une allumette pour allumer le réchaud…
Les arbres tenaient une place vitale dans ce système social vivrier, notamment l’arbre à pain qui a été une source d’alimentation durant la 2nde guerre mondiale, période connue en Guadeloupe sous le nom “An tan Sorin”. Un petit jardin vivrier et créole était souvent présent mais en taille réduite comparé à ceux des campagnes, ce qui permettait à bon nombre de pointois de se nourrir.
Jusqu’à la fin des années 1950, aux abords de la rue du Cimetière (rue Amédée Fengarol) et dans le quartier de l’Assainissement, il existait encore ce mode de vie rural apporté par les habitants des campagnes installés dans les faubourgs.
Dès la fin de l’opération “tiroir” ou “dékazman” (1962-1963) sur la Cité-Transit de Lauricisque, nombre d’habitants qui avaient reçu un appartement à loyer modéré, s’y installaient avec leur poules et leurs cochons pour certains et vendaient leur production d’œufs au marché tout proche afin de tenter de subvenir à leurs besoins.
Aujourd’hui, au hasard d’une promenade pédestre dans les rues de Pointe-à-Pitre, quelques lakous se laissent deviner par la porte d’un étroit couloir ou par l’écart restreint entre les toits des “on dé pyès kaz” (cases en rez-de-chaussée).
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