A l’occasion de l’inauguration le 18 mars 2023 du boutique-hôtel Maison Victoire situé au 24 rue Barbès, après 2 ans de travaux, nous avons rencontré la propriétaire de ce bel immeuble des années 1930 que nous tenons vivement à féliciter pour le travail de préservation et de réhabilitation du patrimoine de notre ville.
PP : Bonjour Pauline Montauban, tout d’abord, qu’est-ce qui vous a motivé à choisir Pointe-à-Pitre, à venir investir à Pointe-à-Pitre ?
PM : « Je dirais l’amour du Patrimoine, de l’architecture mais aussi la déception de voir ce qui est fait du Patrimoine à Pointe-à-Pitre et plus largement en Guadeloupe. Plusieurs villes de la Caraïbe ou d’Europe ont réussi à mettre en lumière leur patrimoine riche et en faire quelque chose avec une valeur ajoutée, comme San Juan (Porto Rico) par exemple. Je me suis dit qu’il y avait quelque chose à faire en Guadeloupe et qu’il fallait que l’on essaie nous aussi de mettre à l’honneur notre patrimoine architectural qui est riche et magnifique mais laissé à l’abandon. »
PP : Comment avez-vous procédé au départ ?
PM : « La volonté première a été d’acquérir un bien à Pointe-à-Pitre, dans l’ancien avec une architecture traditionnelle. Au départ, je n’avais pas forcément flashé sur la façade de l’immeuble qui abrite aujourd’hui la Maison Victoire. Le projet initial se situait sur la Place de La Victoire mais, pour diverses raisons, nous n’avons pas pu faire l’acquisition de ce premier immeuble. Je me suis alors mise en quête de trouver un autre immeuble assez grand et adapté au projet. »
PP : Quelle était la nature de ce projet ?
PM : « Avec l’envie de mettre en valeur notre patrimoine, l’idée d’un hôtel me paraissait avoir du sens. C’est un projet qui permet d’allier la mise en avant de l’architecture, la mise en valeur du patrimoine gastronomique, à travers la création d’une partie restauration, mais aussi plus globalement la mise en valeur l’art de vivre Créole par la façon d’accueillir notamment avec la notion d’hospitalité guadeloupéenne.
L’hôtellerie combine tous ces éléments afin de mettre en lumière le patrimoine matériel et immatériel guadeloupéen et pointois. »
PP : Quelles ont été les démarches administratives nécessaires ?
PM : « J’ai d’abord tenté de comprendre les objectifs et ambitions de la ville de Pointe à Pitre à travers les projets retenus par le programme “Action Cœur de Ville”, et j’ai compris que le montage de projet avec la structure qui aurait pu porter le projet ne m’aurait pas permis d’en bénéficier, étant déjà une structure commerciale. J’ai donc contacté le cabinet d’urbanisme C2R, mandaté par la ville dans le cadre de l’OPAH RU. On a pu définir ensemble les dispositifs, les soutiens et les aides disponibles pour notre projet dans le périmètre géographique dans lequel se situe l’immeuble. Nous avons également été mis en contact avec la DAC notamment concernant les subventions inhérentes à la préservation de la façade mais aussi certains éléments architecturaux remarquables comme notre escalier en bois et sa marqueterie et autres mobiliers. Nous avons bénéficié d’avis consultatifs de l’Architecte des Bâtiments de France (ABF).
Question urbanisme, une demande de permis de construire a été déposée au service urbanisme de la ville. Nous avons dû constituer un dossier incluant une demande de dérogations; En effet, certaines normes comme celle de l’accessibilité aux PMR ne peuvent pas forcément être appliquées et des demandes de dérogations au titre du Patrimoine peuvent être faites. »
PP : Avez-vous trouvé en Guadeloupe des artisans et corps de métiers spécifiques à ce type de chantier ?
PM : « Oui, notamment la reprise des garde-corps d’origine en ferronnerie datant des années 1930 mais aussi la remise en état des menuiseries d’origine.
Les garde-corps ont été déposés puis sablés*. Une peinture antirouille a ensuite été appliquée.
Ce qui peut être vu comme une difficulté c’est, de prime abord, le manque de compréhension de la part de certains artisans de garder l’ancien sur un chantier. Très souvent la réflexion est faite de faire du neuf, de ne pas se “prendre la tête” à rénover de l’ancien…et finalement, quand tout s’assemble, ceux sont les premiers à être fiers du travail fini, notamment sur les robinets anciens, ou encore de garder des imperfections afin de conserver le caractère patrimonial, le vécu de la bâtisse.
Le but est de moderniser le lieu tout en préservant notre patrimoine. »
*Sablage : Le procédé du sablage consiste à projeter un abrasif à grande vitesse, par jet d’air comprimé afin de le décaper.
PP : Qu’est-ce qui est le plus marquant sur la façade ?
PM : « Certains éléments en métal comme les volets en accordéons qui, pour certains, ont dû être fabriqués à l’identique car les anciens, abîmés, étaient tombés. A noter que les volets ont été ajoutés postérieurement à la construction de l’immeuble.
Par ailleurs, les volets en accordéons étaient en meilleur état que les garde-corps. Concernant ces derniers, nous avons dû les rehausser afin de répondre aux normes actuelles de sécurité. »
PP : Concernant la destination commerciale du lieu, quelles sont les contraintes ?
PM : « Dans la partie restaurant, nous avons dû nous soumettre à la remise aux normes actuelles. Nous avons choisi l’induction pour minimiser les risques d’incendie. »
PP : Pourquoi “Maison Victoire” ?
PM : « Étant fan de Maryse Condé, j’ai souhaité rendre hommage à sa grand-mère, Élodie Victoire Quidal, dont elle parle dans son roman autobiographique “Victoire, les Saveurs et les Mots”, dédiée à cette grand-mère qu’elle n’a pas connue. Victoire était une cuisinière pointoise. Ce nom, pour moi, avait du sens pour le premier établissement du groupe.
Pour finir, un tel projet représente un certain coût et parfois, pour certains cela pourrait être décourageant, mais il faut tenir. Pointe-à-Pitre a besoin de projets, d’initiatives et d’investissements.
Ensemble nous pourrons faire revivre cette belle ville. »
Propos recueillis par Patrimoine Pointois.
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Sur internet : Maison Victoire
Localisation : rue Barbès, Pointe-à-Pitre