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Ti kamo Lapwent

La Renaissance-fin

En 1927, quatre pointois créent, le 19 décembre,
« La Société du Théâtre de la Pointe-à-Pitre » pour laquelle ils souscrivent à hauteur de 400.000 francs de l’époque.
Les protagonistes sont Messieurs Délos, Fidelin (maire), d’Alexis et Belmont.

A l’origine, il s’agit de construire un théâtre, sur la parcelle ayant été occupée par les écuries Rennard et démolies lors du cyclone de 1928.
La ville n’avait plus de théâtre à proprement parler depuis l’incendie de celui qui occupait l’emplacement du kiosque à musique jusqu’en 1882.

La construction dure de 1929 à 1930.
Les 4 investisseurs font appel à Henri Gabriel qui fait des études d’architecture et qui n’est autre que le fils de Monsieur Gabriel, professeur de dessin au lycée Carnot et proche de plusieurs d’entre eux.

Henri Gabriel architecte guadeloupéen, concepteur de la façade de La Renaissance


Il dessine la façade inspirée du style Renaissance notamment avec son fronton surmonté d’une coquille et de deux ailerons latéraux,

Détails du fronton de La Renaissance

d’Art Nouveau avec ses portes et ferronneries typiques
mais aussi de type modénature avec ses moulures et ses corniches

Détails des portes et modénature

et de style Art Déco avec ses rampes d’escaliers intérieurs latéraux,

Escalier d’entrée, côté droit, vue depuis la place

sans oublier un style plus ancien concernant les galeries latérales (garde-corps et poteaux moulés et décorés en fonte) visibles depuis la place de La Victoire.

Détails d’une des deux galeries latérales

La Renaissance est inauguré le 22 mars 1930.

Dans les années 1930 et jusqu’au début de la 2nde guerre mondiale, il arrivait que des projections soient diffusées sur la place. C’est aussi à cette époque qu’elle devient une salle de cinéma munie de 500 sièges.
Il arrivait que le projecteur soit placé sur le balcon situé sur la façade et l’image était projetée sur un grand drap tendu entre deux poteaux.
Le projectionniste se nommait Monsieur Julienne et sa femme travaillait comme comptable et tenait également la caisse des billets.
L’intérieur était décoré de stuc habillant les structures métalliques.
L’intérieur n’avait rien à envier à toutes les salles de spectacle puis de cinéma de l’époque.
Un balcon en forme de fer à cheval occupait la partie supérieure.
La salle du projectionniste se situait juste derrière la façade, toujours à l’étage.
L’écran était situé côté rue Gilbert de Chambertrand (anciennement rue Condé) et une scène surplombait une petite fosse la séparant du public,

La Renaissance, avait un concurrent à proximité, près de la Darse…Le Rialto.

En 1937, Félix Eboué y prononça son discours « Jouez le jeu » lors de la distribution du prix du lycée Carnot.
En 1958, André Malraux y tenu une réunion sur la redéfinition du statut départemental de la Guadeloupe.

Dans les années 1960-70-80, s’y jouaient des concerts tels que celui de Dalida, Johnny Hallyday, Charles Aznavour et tant d’autres…il arrivait souvent que les groupies fassent fi de la fosse et accèdent à leurs stars préférées avant de leur sauter au coup.
Les artistes venaient avec un de leurs musiciens et s’entraînaient avec des musiciens d’orchestres pointois tels que les Céliny, Debs, ou encore Sarkis…Mais aussi des troupes de théâtre….
Certains anciens aiment à raconter leurs souvenirs dans ce lieu mythique, l’ambiance des bals titanes, des concerts, des spectacles, du premier film qu’ils ont vu de leur vie, de la ferveur sur la place de La Victoire.

Mais aussi les plus jeunes qui ont connus les derniers instants de La Renaissance jusqu’en 2001.

Le monument appartenait au groupe martiniquais Elizé (via la Société guadeloupéenne de renaissance cinématographique SINESOFAR).
Durant toute son histoire cinématographique, Les propriétaires successifs faisaient venir les pellicules de films de France et les diffusait avant que ces derniers ne partent dans les autres cinémas des différentes communes de la Guadeloupe.

En 2012, le rachat est finalisé par la communauté d’agglomération centrale.
De nombreux projets et études sont menés sur la destination des lieux.

Ce 25 janvier 2022 marque la fin de ce lieu mythique, ayant nourri de culture les pointois et les guadeloupéens durant près de 71 ans…
2 ans jour pour jour après l’incendie ayant ravagé l’intérieur désaffecté du lieu le 25 janvier 2020.

Le 22 mars 2022, le monument historique inscrit en 2009 ne fêtera pas ses 92 ans…

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Ti kamo Lapwent

Les « Chantiers Viviès »

Pourquoi s’évertuer à détruire systématiquement le patrimoine de Pointe-à-Pitre ?

Comment le service urbanisme de la ville de Pointe-à-Pitre peut il autoriser la démolition de la façade des « Chantiers Viviès » (localisation), quai Ferdinand de Lesseps, alors que le bâtiment se situe dans la zone du périmètre des 500m de plusieurs monuments historiques classés et inscrit ? (Musée saint John Perse, Médiathèque et Ancienne Capitainerie du Port). Que dit le PLU ?

Alors que des propriétaires privés fonciers ont la conscience de la valeur du patrimoine et font des efforts financiers importants, notamment en montant des dossiers de financement, les entités publiques s’évertuent à démolir systématiquement le patrimoine qu’elles possèdent…

Aucune considération n’est faite notamment pour les architectes guadeloupéens qui ont conçu ces édifices par le passé. Ainsi, la Renaissance, née d’une souscription de quatre pointois et dont la façade a été conçue par un pointois, est vouée à la démolition, et ce depuis 2016 par son propriétaire actuel, L’EPCI central.

Aujourd’hui c’est au tour de l’immeuble des « Chantiers Viviès, Viviès Frères », situé sur le quai Ferdinand de Lesseps, racheté par l’Etablissement Public Foncier, de subir les assauts des démolisseurs du patrimoine pointois.

Voici la liste non exhaustive des raisons pour lesquelles la façade du bâtiment est à sauvegarder :

-De style Art Déco, construit par l’architecte Guadeloupéen Gérard-Michel Corbin et achevé en 1949 par l’entrepreneur Diligenti.

-Les lettres de l’enseigne en fer.

-La cage d’escalier centrale.

-Le large auvent qui protège le rez-de-chaussée de la pluie et du soleil.

-Les deux balcons à l’étage, en retrait de chaque côté de la cage d’escalier.

En somme l’ensemble des éléments qui composent la façade.

Or, des projets avaient déjà été présentés afin de sauvegarder la façade…Pourquoi absolument démolir, effacer, gommer les monuments de la ville ?

Détruire aujourd’hui c’est retirer à Pointe-à-Pitre son identité patrimoniale de demain, et pour les générations futures.

Que va t’on construire à la place, encore des immeubles génériques sans identités, qui ne racontent rien, et non adaptés au climat de la Guadeloupe ?