Suite à de nombreuses catastrophes d’origine naturelle ou humaine tels les tremblements de terre, les cyclones et les incendies, Pointe-à-Pitre a su se réinventer et s’adapter aux différents courants architecturaux à travers les époques.
Dans cet article, nous allons nous intéresser à l’influence de l’Art Déco dans notre belle ville.
L’Art Déco est un mouvement architectural datant de la fin des années 1920/début des années 1930.
Domaines d’application :
Au-delà d’un style architectural, l’Art Déco est un art de vivre comprenant meubles, luminaires, objets du quotidien stylisés, bijoux, vêtements et mode, cinéma, musique et dance avec le Charleston et le jazz ou encore l’automobile. C’est un style total, qui touche tous les arts décoratifs.
Ce sont les « années folles » (jusqu’à la crise de 1929 pour les USA).



Esthétique et géométrie :
L’Art Déco privilégie les formes géométriques simples et symétriques : zigzags, chevrons, cercles, triangles…C’est un style structuré, souvent très graphique.
Luxe et modernité :
Il incarne un mélange de raffinement et de modernité. Les matériaux sont souvent luxueux : marbre, laque, bois exotiques, or, chrome, verre…
Influence des avant-gardes :
Il s’inspire du cubisme, du futurisme, mais aussi des arts de civilisations anciennes (Mésoamérique, Afrique et particulièrement l’Égypte), notamment après la découverte de la tombe de Toutankhamon en 1922.
Fonctionnalité et ornement :
L’Art Déco cherche à allier utilité et décoration : un objet ou un bâtiment peut être à la fois pratique et somptueusement orné.
Tout part de l’exposition internationale des arts décoratifs et industriels ayant eu lieu sur l’Esplanade des Invalides et aux abords des Petit et Grand Palais à Paris d’avril à octobre 1925.
Voir la vidéo de l’exposition de 1925
Le mouvement Art Déco se répend à travers le monde.
A New York, on construit le Chrysler Building (1930), l’Empire State Building (1931)…à Paris c’est le Palais de la Porte Dorée (1931), le Palais de Chaillot (1937)…mais aussi à Moscou…Tokyo…Pointe-à-Pitre…et tant d’autres villes.
Au même moment à Pointe-à-Pitre, l’Art Déco voit émerger son développement suite à de petits incendies dans le centre-ville.
Une nouvelle technique de construction, le béton armé, fait son apparition dès 1929 avec l’arrivée d’Ali Georges TUR, architecte des colonies missionné par le gouvenement français pour reconstruire en Guadeloupe : mairies, églises, écoles, dispensaires, presbytères…alors dévastés par le cyclone de 1928.
Auparavant, le ciment armé était utilisé notamment par la « Société des Entreprises Industrielles de la Guadeloupe » pour réaliser des construction en maçonnerie telles l’ancienne gendarmerie (1926) près de l’église Saint-Pierre et Saint-Paul de Pointe-à-Pitre ou encore l’ancienne « Caisse d’Epargne » (1927->1929) située au Nord de la Place de La Victoire (ancienne Maison Desgranges) mais aussi l’ancienne Chambre de Commerce (1927).

Les matériaux sont issus de la dette de guerre allemande de la 1ere guerre mondiale et les ouvriers sont au départ des italiens travaillant pour des entrepreneurs également italiens ayant répondu aux annonces parues dans différents journaux pour la reconstruction de la Guadeloupe.
Ils vont former des ouvriers guadeloupéens à cette nouvelle technique de construction.
Monsieur TUR, ayant son cabinet à la rue Achille René Boisneuf, y conçoit les plans du tribunal d’instance (face à l’église), l’école Dubouchage (actuel collège Nestor de Kermadec), la caserne des pompiers (emplacement de la Maison de la Citoyenneté), la capitainerie du port (quai n°1), l’office du tourisme et le chateau d’eau sur le quai n°2 (de nos jours tous deux détruits) et les grilles le long des quais. Les toits-terrasses font leur apparition.
L’architecte Gérard-Michel CORBIN débute sa carrière. Il conçoit le kiosque à musique de la Place de La Victoire (1930), un des premiers édifices Art Déco de la ville et de la Guadeloupe.
Il intègre le cabinet d’Ali Georges TUR avec Edmond MERCIER. De cette collaboration naîtra la reconstruction de la « Banque de la Guadeloupe » au Sud de la Place de La Victoire (1937). Ils travaillent en étroite collaboration avec des entrepreneurs tels les PETRELLUZZI, DILIGENTI, DYONISUS, SINUIS…

A mi-chemin entre Basse-Terre et Pointe-à-Pitre, un constructeur originaire du Sud Basse-Terre maîtrise la conception et la réalisation d’immeubles de ville. L’entreprise « M. J-B. Captinaine Constructeurs » va s’illustrer dans l’édification en ciment armé du magasin « Au Bon Marché » (vers 1926) sur lequel figure le nom peint à la base du dôme puis « Aux Galeries Parisiennes » (1933) en béton armé dont le fronton est marqué du nom de l’enseigne avec de la faïence, ou encore l’immeuble de l’agence de voyage « Nouvelles Frontières » (ancien cabinet du notaire Me DESGRANGES), mais aussi l’actuel hôtel-boutique « Maison Victoire » (1931 – Ancienne maison de Me LAMOT)… Les toits sont munis de balustres et de garde-corps en béton armé moulés en atelier.







Monsieur L. DUBOUILLE, autre constructeur, va édifier de petites maisons dans les environs Nord de la Place de La Victoire et de la rue Condé (aujourd’hui rue Gilbert de Chambertrand).
Pointe-à-Pitre va connaître une seconde période Art Déco dans les années 1940/1950, d’Art Déco tardif, avec les nombreuses conceptions de l’architecte Gérard-Michel CORBIN dans lesquelles il va reprendre de nombreux éléments typiques de ce style tels les balcons-jardinières, les angles à 45°, les ferronneries riches en détails ou encore les menuiseries (les portes et fenêtres)…
Parfois, selon la position du soleil, certains éléments encore présents sur des façades se laissent entrevoir à la faveur d’une ombre.